Audition de la CGT à l’assemblée nationale Mission Ambition volontariat le 7 février 2018

 Audition de la CGT a lassemblée nationale le 7 février 2018 a 16h

 

 Audition Mission volontariat

Nous avons articulé cette audition en 3 temps :

  • le constat de l’existant
  • Nos réactions sur la communication autour de cette mission
  • nos propositions

Du constat de l’existant :

Nous ne pouvons que constater qu’il y a tromperie sur l’état des lieux. En effet les dernières auto-félicitations concernant la stabilisation du nombre de volontaires au niveau national, relève plus de l’auto-persuasion que d’une vraie garantie pour le système de secours français de Sécurité Civile.

Il nous faut donc, comme en philosophie, discuter l’intitulé du sujet.

194 000 sapeurs-pompiers volontaires, oui, mais cela n’est qu’un nombre que l’on peut pourtant déjà critiquer.

  • Un nombre important de sapeurs-pompiers professionnels ont un double statut souligne l’actuel directeur de l’ENSOSP,  dans un article sur linkedin, mais ce n’est que pour déroger aux plafonds réglementaires afin de faire des heures  supplémentaires.
  • De la bouche du directeur général WITKOWSKI lors de la réunion du 5 février 2018.Pour la cour des comptes la rémunération des sapeurs-pompiers professionnels en tant que sapeurs-pompiers volontaires, “est une rémunération indue””, il en va sans dire que nous attendons avec impatience de voir la rédaction de ce rapport.
  • La contribution en matière d’intervention urgente est difficile à évaluer pour un nombre de sapeurs-pompiers non intégrés,  sans remettre en cause leur bonne volonté et la nature de leur engagement.
  • La toute récente constitution en grande pompe d’un corps de bénévoles nouvellement constitué à Reims,  n’a toujours pas été bien évalué, ni par le SDIS de la Marne, ni par la DGSCGC, en matière d’intervention urgente, pas plus qu’en matière de coordination avec le SDIS.

Les questions, sur la formation de ces agents et  leur dotation en matériel n’ont d’ailleurs pas été explicitées dans le détail.

  • Les 12 000 agents du Service de Secours et de Santé(SSSM) participent seulement à 5% des interventions, toujours en plus des autres intervenants SP…

L’essentiel du temps du SSSM est donc consacré aux visites médicales et à la formation.

Les problèmes de démographie médicale auront et ont déjà un impact grandissant et fragilisant sur les missions opérationnelles et non opérationnelles des sapeurs-pompiers. Cela contribue à l’hospitalocentrisme, et encourage les infirmiers à réclamer un élargissement de leurs prérogatives.

Il est à souligner que le SSSM participe de manière très inégalitaire aux interventions de secours sur le territoire, en reposant à 95% sur des sapeurs-pompiers volontaires. La réponse reste donc très aléatoire.

Plus grave encore, les modalités locales différentes ne permettent pas de connaître ce qui relève de la complémentarité avec le SAMU, de sa subsidiarité ou de sa parfaite indépendance avec le SAMU.

A noté que le rapport sur le SDIS 13 de l’inspection de la défense et de la sécurité civiles de 2016, préconise d’«Evaluer la pertinence de reconduire le dispositif VLM, très consommateur de moyens matériels et humain et qui n’entre pas dans le champ de compétence réglementaire du SDIS. ».[…]page 39/140.

N’est pas évalué l’utilisation sous statut SPV des ISP en tant qu’officier santé dans les codis (non en astreinte mais en garde postée).

  • Sur ce même SDIS 13, dans le rapport de mai 2016 « Le renforcement du bénévolat et du volontariat de sécurité civile», on peut lire que sur les 4000 sapeurs-pompiers volontaires du SDIS, 800 n’ont eu aucune activité au cours de l’année.
  • C’est dans le cadre de ce même constat qu’en 2014, l’Inspection Générale de l’Administration évoquait, dans son rapport sur le Secours à Personne le chiffre de 150 000 sapeurs-pompiers volontaires actifs !!

De plus des sapeurs-pompiers volontaires qui assurent des tâches administratives et des sapeurs-pompiers professionnels qui assurent uniquement des formations sous le  statut  volontaire.

Ces chiffres ne  doivent  être, ni un totem, ni le seul objectif. Il faudrait voir le qualitatif : le temps de disponibilité, qui n’apparaît nul part. Pourtant certaines associations évaluent le temps mis à leur disposition dans leur bilan.

Avec les technologies types disponibilité en temps réel, quel SDIS a mesuré celui dont il peut disposer en théorie. Les SDIS ne quantifient que le temps utilisé.

Nos réactions sur la communication autour de cette mission

Un simple constat, jamais les incitations, facilités, marques de reconnaissance ont été nombreuses, pourtant entre 2002 et 2016 le nombre de pompiers volontaires a été maintenu à plus ou moins 193 000 sapeurs-pompiers volontaires.

Cessez de nier la duplicité de l’utilisation des sapeurs-pompiers volontaires : on veut sauver le volontariat sans même se poser la question de comment ce statut est utilisé par les employeurs.

Ne serait-il pas de plus en plus détourné de sa vocation première?

Vous l’aurez compris ce détournement a lieu par l’utilisation de la garde postée qui  s’est généralisée depuis les réformes du temps de travail des sapeurs pompiers professionnels.

L’intervention au bénéfice de l’usager et une disponibilité sous forme d’astreinte,  est menacée par l’Union Européenne, voilà souvent la description par les responsables politiques.

L’astreinte voilà l’objectif, mais la réalité est bien différente.

Alors que certains départements ont presque officiellement renoncé à l’astreinte en exigeant de leurs sapeurs-pompiers volontaires des gardes postées, même si cela ne peut être le cas dans leur centre de secours de rattachement, comme en Moselle.

Les indicateurs de la DGSCGC dans ses statistiques annuelles sont clairs, la proportion de sapeurs-pompiers volontaires dans les gardes postées augmente d’année en année.

En 2016 35% (4900) des 14 000 gardes de jour sont assurées par des SPV quand en 2009 30% (4020) des 13 400 gardes de jour l’étaient.

Pour les gardes de nuit ce sont 42% (4914) des 11 700 en 2016 et 37% (4292) des 11 600 qui sont assurées par des sapeurs-pompiers volontaires..

Une lecture simpliste ferait dire que seul 2% de l’effectif total des SPV sont de garde (tout de même 4 000 volontaires) et un peu plus de 10 % sont en astreinte (soit 20 000 volontaires) page 14 du rapport « Le renforcement du bénévolat et du volontariat de sécurité civile ».

Pour mémoire il est imposé par l’article 11 de la loi 96-370 « Le nombre d’indemnités horaires pouvant être perçues annuellement par un même sapeur-pompier volontaire est arrêté par le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours». La question est combien de conseils d’administration ont fixé ce nombre d’heures maximum ? Et le respecte?

On se retrouve donc avec des dérives dans presque tous les SDIS. On nous parle de 44 000€ pour un sapeur-pompier volontaire et de 24 000€ pour un pro-vo dans un département du sud-est de la France, sinon la somme de 20 000€ est régulièrement atteinte.

Dans le SDIS 13, c’est 36 356€ pour un seul sapeur-pompier volontaire, et 24 445€ pour un pro/vo qui ont été versés au titre d’une même année. Dans le même temps 800 sapeurs-pompiers volontaires déclarés ne contribuent aucunement aux activités de service public.

Pour mémoire selon la DGSCGC c’est 216€/mois en moyenne d’indemnité par sapeur-pompier volontaire.

Dans le règlement intérieur d’un centre de secours de Meurthe et Moselle, on trouve une mention de 2300 heures obligatoires, et dans certains autres SDIS le double statut est un passage obligé pour le nouveau rentrant. Le SDIS 13 atteint le taux de double statut de 87% chez les professionnels selon le dernier rapport d’inspection.

La cour régionale des comptes, lors de son  passage en Moselle, trouvait que 12 sapeurs-pompiers volontaires assurent plus  d’heures que des professionnels logés !!!

La coopération et la complémentarité entre les pompiers volontaires et professionnels a toujours existée. La transposition de la filière en permettant à de jeunes sapeurs-pompiers volontaires d’accéder très vite aux fonctions de chef d’agrès une équipe puis tout engin, quand dans le même temps nombre de nos collègues avec plus d’ancienneté et plus d’expérience voient leurs avancements s’éloigner pour accéder aux mêmes fonctions.

Personne ne peut nier ce constat :

 Des jeunes sapeurs-pompiers volontaires peuvent être amenés à encadrer des sapeurs-pompiers de métier plus anciens et expérimentés qu’eux.

Cette situation crée un sentiment de rancœur et parfois même de détestation, alors que ce sont les organisateurs de la filière de 2012 et du service qui en sont co-responsables.

 Nous tenons à souligner, que la diminution des obligations de formation et la montée en puissance de la FOAD (formation ouverte à distance), fera courir plus de risques aux sapeurs-pompiers. Alors que dans le même temps les risques augmentent à cause de la variété des situations rencontrées et par la plus grande technicité exigée.

Nous pouvons donc conclure que l’assouplissement des contraintes de formations, d’aptitude médicale, et autres ont permis de maintenir le nombre de sapeurs-pompiers volontaires en ouvrant encore plus largement le champ des dérives possibles loin de l’objectif des 500 000 annoncés.

Par contre si le nombre a été maintenu au prix d’efforts et d’engagements financiers conséquents, l’effet sur la disponibilité, seule réelle nécessité pour le secours, n’a pas été perceptible sur le terrain.

C’est au mieux dans certains endroits seulement une limite de son érosion.

Un certain nombre de parlementaires, portent et déposent des propositions de loi, des amendements, soit déjà déposés sur la facilitation de l’accès au logement social soit sur la bonification de trimestres pour le calcul des retraites, qui ne sont que des mesurettes au regard des besoins.

Les mêmes qui nous expliquent que le monde a changé, semblent lutter pour que ce monde révolu continue d’exister pour faire reposer l’organisation de la Sécurité Civile sur les sapeurs-pompiers volontaires avec leur statut actuel.

Dans le questionnaire de la mission, plusieurs questions ont éveillé et notre curiosité mais aussi notre amertume :

La question 33. : Quels signes de fidélisation et de reconnaissance pourraient-ils être renforcés au bénéfice des SPV ? [Plusieurs réponses possibles]

  • Attention de la part de la hiérarchie (management, accès aux équipes de direction, etc.)
  • Avancement accéléré
  • Soutien à la conciliation des temps de vie (souplesse d’organisation, notamment entre l’astreinte et la garde postée, aide aux modes de garde des enfants, outils de programmation des agendas, etc.)
  • Décorations (ordres nationaux, médaille de la sécurité intérieure, médaille spécifique aux SPV ?)
  • Revalorisation des indemnités horaires
  • Revalorisation de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR)

La question 42. : Quelles mesures de protection individuelle des SPV vous sembleraient les plus efficaces ? [plusieurs réponses possibles, classées par ordre de préférence]

  • Interdiction de toute majoration d’assurance responsabilité civile liée au caractère dangereux de l’activité de SPV
  • Couverture assurantielle des SPV dans l’exercice de leur activité
  • Collectivement avec les SPP, anonymisation des dépôts de plainte en cas d’agression
  • Autre (merci de préciser ci-dessous)

Amertume : En effet la mission prend-elle la mesure du besoin auquel nous venons de livrer nombres d’éléments qui le caractérise. La question 33,  ne liste-t-elle pas des mesures déjà prises ? La question 42 des questions sensibles qui sont d’ores et déjà au coeur des problématiques des sapeurs-pompiers professionnels ?

Curiosité à la lecture de: la question 32. Afin de faire face à la crise de disponibilité, la création d’un statut intermédiaire de sapeur-pompier à temps partiel (part time) intermédiaire entre les SPV et les sapeurs-pompiers professionnels vous paraît-elle opportune ? Cette question nous permet la transition vers nos propositions.

Nos propositions :

Ce constat sévère pour le modèle de la Sécurité Civile, impose de trouver des solutions pour le long terme, qui nécessitent de revoir le modèle de sécurité civile (redéfinir le contour des missions et planifier l’embauche de professionnels pour garantir la mission redéfinie).

Pour le court terme dans le cadre de la mission, nous vous proposons deux solutions, bien qu’elles ne soient pas nos revendications

La premiere créer un “congé spécial” comme au Luxembourg qui autorise 42 jours supplémentaires au sien de son entreprise ou sa collectivité au titre d’une carrière pour la formation mais limité à 7 jours par an.

La seconde, en partant des besoins journaliers des 4000 gardes par jour pour chaque jour de l’année, le besoin total sur une année pour l’ensemble des services départementaux d’incendie et de secours est d’environ 1,5 millions de jours de garde.

Les questions de votre mission sur les part-time, recoupent une partie de cette problématique, la réserve est un modèle qui existe, il n’y a pas besoin de tout réinventer.

Les règles quelles qu’elles soient les SDIS le savent sont faites pour être : détournées, contournées, ignorées, comme nous en avons de nombreux exemples.

Le système actuel de la réserve permet entre 5 et 30 jours par an pour chaque réserviste au bénéfice de la gendarmerie. La gendarmerie sollicite 24 jours en moyenne par an chacun de ses réservistes.

Transposé au SDIS, la participation de chaque volontaire à une réserve de 10 jours par an, soit 10 jours pour chacun des 150 000 volontaires résoud le problème mathématique.

Cela permet de résoudre immédiatement 3 problématiques :

–       les missions du service public d’incendie et de secours sont assurées

–       les dérives liées au statut du volontariat s’interrompent

–       une couverture sociale égalitaire pour tous les réservistes (public/privé)

Nous pourrions détailler les modalités d’un basculement des sapeurs-pompiers volontaires en réservistes, mais cela ne présenterait pas d’intérêt en dehors de l’exercice intellectuel, nous préférons pointer les difficultés connues:

  • Les administrations se doivent de respecter l’octroi de jours de réserve à l’instar du secteur privé (difficultés pointées par plusieurs rapports)
  • s’affranchir de la “nécessité de service”

Notre conclusion :

 Nous craignons que les mesures que proposera cette commission, soient au mieux un chapelet de mesures, qui auront surement pas plus d’effets que celles mises en place depuis plus d’une dizaine d’années. Le problème du volontariat tient à la lente dérive du périmètre des missions, de la carence médicale et ambulancière, des obligations  qui ont transformés un acte citoyen en acte subi.

Les politiques budgétaires et le gel de création de postes à temps complets depuis les modifications du temps de travail, ont en amené à professionnaliser les SPV des centres mixtes, provoquant le distinguo entre deux catégories, les SPV des villes et SPV des champs.

L’augmentation des interventions a accru la contrainte sur les SPV ruraux dont les effectifs peinent à se stabiliser.

Notre seconde proposition doit permettre de garantir l’effectivité de la mission de service public, en permettant un investissement reconnu par les employeurs, et une équité de traitement pour les SPV actifs, qui participent de manière planifiée en tant qu’acteur du service public qui pourront conforter leur formation auprès des SPP.

La mission doit placer au coeur de son travail un point essentiel, qui n’a jamais été analysé, celui de la liberté de l’engagement quand les contraintes fussent-elles indemnisées ne cessent d’augmenter. Un choix novateur assurant la continuité du service public autour de missions clairement définies, doit redonner de la liberté, du temps libre pour les SPV et leur famille, de la satisfaction de leur engagement citoyen.

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